NON...

Avant la débâcle, 
faire marcher les cornues,
alambics en boucles,
et les vases - les vasques
et les tubes- les bulbes
et les tuyaux solubles
afin d'extraire enfin
d'un doux globe galbé
Une double gougoutte en gargotte à bébé.

Mais, non, non, non, laisse tomber.

j'ai vu trop d'atmosphères, percées
mordues
par les gaz soufrés, bombés,
échappés de leurs spores ouverts
de leurs vulves outrées
ou de leurs revolvers

j'ai vu trop de convives
attablés, détestables, au festin de cadavres
où les autres, les larves
s'entremeurent à la tâche en creusant sous les caves

J'ai vu trop de chenilles votives
mortes îvres de bave pourrie
installer leurs potences rotatives
pour y 
distiller leurs esclaves en cadences hâtives.

Mais il y a la fatigue
lutter contre ces brutes
me heurte
plus que si l'on porte
contre ma tête un coup de poutre
en bois de pitre.

Faudra t'il manger tous les zèbres pour enfin voir venir
sur nos verges menhirs
les zébrures,

devrons-nous avaler les jaguars sans les cuire pour enfin voir sortir 
sur nos fesses entonnoir
des rayures jaunes et noires ?

je me demande parfois
si les mots ont des doigts
et les mains des voyelles
et si ma voix prononce
des plongeons d'hirondelles
en voulant dire bonjour
suis-je donc un pigeon ?
est-tu ma tourterelle toi qui tourne et qui danse
quand la lune parait comme apparaît la chance ?

les colombes ont des joues
et des ombres immortelles
à la tombée du jour

mais les corbeaux, corneilles,
et autres corbillards
ont des histoires drôles
à faire pleurer les morts

et des histoires noires
à faire frémir l'espoir

à faire mourir de pleurs
ma cuiller qui soupire
en remuant sa soupe 
où nage un bout de cuir.