Apparition

A perte de vue
La savane
Acacias
Baobabs

Babils
De bornes brandissant leurs babines
Bordées d'éventails bombés
J'arrive alors à l'orée des forêts
Et balance à l'arbre le plus proche
Ma barbe, mon barde, ma sacoche
Mes cris de bardoudeur
Mon bonnet, ma caboche
Ma bine et mes babouches
Mon braille, et mes cartouches
Me voilà démuni, nu, sans manies
Emu, aussi, puis me voilà assis
Devant cet arbre à branches barbelées de débordements d'or
Devant cette barrière de fleurs brandies à bout de bras !

Les lucioles ont dansé
Et, lentement, l'Acacia s'est abaissé
Un bruit dans son écorce m'appelle
Et j'entends
Dans la voix des bourgeons
Et je vois,
dans le creux de son tronc, passer,
passer l'ombre bénie d'une fée des sous-bois.

Je reste assis, les yeux égarés,
Le coeur bombardé de bulles chamarrées,
Du fond des bosquets sont venus biches,
brebis, chamois, bombyx, chevreuils
écureuils et blaireaux, animaux avertis du mystère qui se crée
par le chant discret des oiseaux dans les feuilles...

L'ambre dorée se pose sur nos corps en accueil
Les doigts délicats de la fée nous effleurent
et font fondrent nos deuils
cueillent une fleur-soleil, frêle brin de mica
La lancent vers les cieux dans un geste parfait
Le noeud sombre de la nuit se défait
le monde se recueille, et l'aurore apparaît.

L'apparition sacré irise
L'air d'une brise nacrée

Je reste assis, les yeux bercés
Par le chant chaud, boisé
De la nature comblée.

Les paradis souvent se ferment à peine commencés...

Et déjà, dans le marbre de l'arbre
La vision se divise
Se cambre, la lumière alentour se tamise
Un éclair s'atténue
La présence divine se fond dans les nues.

Je reste assis,
L'assemblée animale semble avoir disparu
Les nuages embrasés
Baisent l'aube nouvelle aux lèvres ingénues,
Je reste assis,
Et dans la rosée
Un vol d'hirondelles
Eclôt, comme un merci.